mardi 20 septembre 2011

SF CAS A.- L'invention de Morel, Adolfo Bioy Casares, 10-18, 2008, 1940

Note : Grrrrrrrrrr

L'histoire
Un prisonnier évadé se retrouve sur une île. Il essaie  de mener sa vie comme il l'entend jusqu'au jour où des personnes qui ne semblent pas lui prêter attention font leur apparition. Le prisonnier amoureux d'une jeune femme à l'allure d'une gitane va entrer dans un monde qu'il ne comprend pas. 

Mon avis
A placer dans le panthéon des incipits aux côtés de ceux de Théophile Gautier voilà une très jolie phrase d'amorce qui force d'entrée de jeu notre curiosité : "Aujourd'hui, dans une île, un miracle c'est produit." une foule de questions se pose alors à vous, mais pas seulement, on vous parle de quelque chose qui pourrait se passer maintenant au moment où vous lisez ces lignes qui entre dans le réel, le concret et ensuite on vous parle dans la même phrase de miracle et de surnaturel. L'intrigue en une phrase est plantée. Tiens c'est marrant je viens de me rendre compte que j'ai parlé de Gautier juste avant et que je vais en reparler à présent pour une autre raison. Chez Gautier, les femmes sont inaccessibles, intouchables, elles ressemblent à des statues que l'homme ne peut pas s'approprier tout juste bon à regarder en spectateur, en amateur d'art. Chez Casares c'est exactement la même chose, Faustine dont le narrateur tombe amoureux est inaccessible, on ne peut lui parler, elle est en représentation comme un personnage sur fonds de coucher de soleil peint. Si Gautier s'inspire de la sculpture, Casarès lui s'inspire de la peinture, son personnage est en quête de couleur pour son jardin naïf, les "tableaux" représentés sont toujours dans un cadre végétal. Et ce n'est pas pour rien car Casarès nous parle d'image, d'effacement, de restes de peintures, de traces.  Et puis il y a ce piège qui se referme sur le lecteur et sur le héros, cette tension cruelle qui fait penser aux nouvelles de Maupassant et de Villiers de l'Isle Adam, les personnages jouent leurs rôles perpétuellement, empêtrés que nous sommes dans cette répétition nous devenons petit à petit claustrophobe, quand allons nous comprendre ? Quel est l'enjeu ? Que se passe t'il ? La tension monte alors que concrètement il ne se passe rien. Nous avons soudain peur. Cela me rappelle la musique des dents de la mer qui avec deux notes nous fait entrer en ébullition jusqu'à ne plus pouvoir nous contenir. 
Revenons à l'incipit. On vous donne une donnée tangible "aujourd'hui" puis on la démonte en vous assénant un "miracle"qui rend floue soudain la frontière entre mythe et réalité. Cela ne vous rappelle pas autre chose ? L'île en elle même pardi ! Ne trouvez-vous pas cette île étrange aux bords marécageux qui menace notre évadé et le pousse à l'inconfort alors que dans le même temps le museum ainsi que les bâtiments sont ancrés dans le concret, construits en dur. Je dois m'arrêter là car je sens  que je vais aborder la fin et le discours de Morel qui explique tout et ce n'est pas le but ici de dévoiler la fin. Pourtant il me faut ajouter ici le fantôme de Swedenborg qui hante encore ces pages, une fois de plus dans les récits fantastiques il apparait en filigrane, ses théories sur le regard de l'âme étant reprises ici à la perfection. Il faudra donc que je lise Swedenborg que je ne connais qu'au travers de recoupements de ce qu'en ont dit une pléiade d'auteurs.  Le mot de simulacre de vie semble être la clé pour comprendre tout ce qui se joue sous nos yeux.Un roman littéraire au sens strict à découvrir ! Je ne le connaissais pas et n'en avais jamais entendu parler. Je dois avouer m'être demandé si les auteurs de Lost avaient lu ce livre, en connaissaient l'existence. Roman à conseiller aux amateurs de Lettres. 

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